On ne connaît presque rien du château primitif édifié dans le premier du 12ème siècle. L’acte de donation de 1127 suggère une proximité du castrum et de la chapelle Saint Martin située de toute évidence du coté du « Bourg-aux-Moines ». Les données de terrain confirment l’existence du complexe. La lecture qui en est faite par l’archéologue Gaël Carré dans le cadre d’une mission d’évaluation du site (DRAC de Bretagne – SRA 2005), apporte de nouvelles indications relatives à la morphologie et à la structuration du site castral, en complément des données déjà connues par les travaux de l’abbé Martin et d’Hervé du Halgouët. L’hypothèse d’une « haute-cour » en position dominante, associée à une « basse-cour » est une proposition acceptable.
Lire le paysage
Une topographie préservée
Le site castral s’étire sur toute la pointe d’un éperon rocheux à la confluence de deux vallées (celles de la rivière d’Oust et du ruisseau du Bardet), selon une structuration étagée en longueur, avec trois composantes bien distinctes :
- Une vaste esplanade, dont l’horizontalité n’est pas naturelle, surplombant la rivière d’Oust (dénivelé 6 mètres).
- Un replat intermédiaire, surplombant l’esplanade d’environ 12 m, remodelé dans les années 1990 afin d’y établir le nouveau cimetière.
- Un polygone irrégulier surplombant le replat intermédiaire d’environ 6 mètres comprenant dans son emprise la chapelle St Martin et le vieux cimetière.
Cette structuration étagée suggère l’existence d’une ancienne basse-cour (l’actuelle esplanade du château), entourée de fossés plus ou moins naturels, le tout associé à une éventuelle haute-cour (le replat intermédiaire).
Le pôle funéraire (vieux cimetière et chapelle St Martin) était originellement séparé de la « haute-cour » - soit le nouveau cimetière actuel, par un fossé étiré sur près de 45 m.
L’extension du vieux cimetière de St Martin, entrepris en deux phases : 1955 et 1991, a conduit au comblement progressif de ce fossé de défense.
Lire le cadastre de 1840
Un parcellaire caractéristique
Le parcellaire a clairement conservé dans son organisation l’emprise du château médiéval :
- L’emplacement de la « basse-cour » est caractérisé par un tracé non rectiligne délimitant un vaste périmètre oblong (5300 m2) contrairement aux parcelles avoisinantes plus petites, quadrangulaires et anguleuses.
- Le replat intermédiaire de la « haute-cour » offre également un contour irrégulier de forme ovoïdale (1500 m2).
Une toponymie évocatrice
- parcelles de l’esplanade qualifiées d’ « ancien château de Rohan » mais à usage de courtil (jardin) ou de pâtures.
- parcelle du replat intermédiaire qualifiée de « parc pré »,
- l’appellation « Bourg aux moines » utilisée pour les parcelles au sud du cimetière Saint Martin fait directement référence à l’installation de religieux au 12ème siècle en liaison étroite avec le château.
- les parcelles qualifiées « étang-pré » ou « étang-herbier » suggèrent des aménagements participant à la défense du site. Idem pour la parcelle « douve-pature).
- un périmètre de mise à distance des populations voisines est suggéré par une couronne de vastes parcelles vierges de toute urbanisation dénommées « jardin, herbier, courtil, pré, chênaie ».
Gaël Carré, archéologue. Evaluation de la sensibilité du site castral, 2005. DRAC de Bretagne - S.R.A
Le rapport hydrologique réalisé le 2/05/1955 par l’Institut de géologie de l’Université de Rennes a établi le profil de ce fossé au travers d’une coupe des parcelles 210 (en contrebas du mur d’enceinte primitif du cimetière) et des parcelles 208/209. Le fossé de défense en 1955 a une profondeur de 5m.
Relire le texte fondateur de 1127 avec Gaël Carré, archéologue (2005)
« Alain vicomte de Porhoët… donna a Dieu et à Saint Martin du Grand-Monastère (Marmoutier), et à ses moines qui servent Dieu dans la ville forte de Josselin, toute la bourgade…sise à la porte de son nouveau château de Rohan, pour bâtir une église et un cimetière… un moulin dans l’étang supérieur… ».
Le complexe castral s’organisait autour de deux pôles majeurs : l’un seigneurial et semi privatif « la haute cour », l’autre d’avantage réservé à un usage domestique, utilitaire et défensif « la basse cour », cette dernière comprenant divers annexes et bâtiments résidentiels. (Mention dans les sources écrites d’étables ou encore de corps de logis).
La « haute-cour » accueille logiquement la résidence seigneuriale, sans doute une tour ou un bâtiment barlong regroupant salle et chambres (aula et camera). Ses dimensions sont suffisantes (1500m2) pour avoir servi d’assise à un habitat seigneurial. Quoiqu’il en soit, au début du 16ème siècle, une grosse tour devers Saint Martin est attestée, confirmant la présence de fortifications dans ce secteur, donjon ou tour maîtresse, ou simple tour de défense ?
Il n’est pas possible aujourd’hui de connaître le mode de communication entre la « haute-cour » et la « basse-cour », ni même la manière dont s’organisait le système défensif à cet endroit de jonction. (Les fouilles archéologiques conduites en 2006, ont cependant mis à jour un important fossé de défense, ainsi qu’un mur de courtine. Cf la visite guidée dans les entrailles de l’esplanade du château !).
La chapelle Saint Martin toute proche, constitue le pôle religieux du complexe castral. Ce rapport de proximité fait force de symbole, celui de la domination seigneuriale et spirituelle sur les environs.
Le Bourg aux moines est curieusement installé par le pouvoir seigneurial au tout début du 12ème siècle au dessus de la fortification, devant la petite chapelle St Martin, en position de prééminence topographique. Configuration particulièrement atypique qu’il conviendrait d’étudier en détail.
Jocelyn Martineau, archéologue.
Le pôle religieux (chapelle et cimetière) est séparé de la « haute-cour » par un fossé qui participe à la défense de celle-ci.
Le pôle religieux semble lui-même avoir participé au système de défense du site. La lecture du paysage montre au sud du vieux cimetière l’existence d’une vaste dépression. Il s’agit vraisemblablement d’un important fossé de type « éperon barré » ou plus exactement sans doute, d’un vallon naturel faisant office de fossé et réaménagé en se sens, dont le caractère défensif parait évident. L’ancienneté de son utilisation pourrait être antérieure de l’occupation ecclésiale ou castrale. Ce fossé est anormalement interrompu par le passage de la rue du prieuré. Dans une logique défensive, le creusement devait se poursuivre initialement plus à l’ouest, avant que son comblement supposé n’intervienne avec soit la construction de maisons avoisinantes, soit avec l’abandon progressif du site castral.
Le vaste périmètre d’ « éperon-barré » dépasserait alors ici le simple cadre d’un complexe castral pour renvoyer peut-être d’avantage à une réalité protohistorique, suivie d’une phase d’occupation médiévale. Mais ce jugement sans justification réelle, demeure très incertain. Quoi qu’il en soit, l’hypothèse sur le haut plateau, d’un « vallon-fossé » remplissant une fonction défensive dès le 12ème siècle est acceptable. Le dispositif garantissant dans en même temps la protection de l’espace funéraire et de la « haute-cour », le château étant sans doute très vulnérable de ce coté-ci du plateau faute de relief accidenté.
D’après l’acte de fondation, la « haute-cour » possédait une porte sur le haut du plateau (près de la chapelle). Au regard de la topographie actuelle, l’accès à la « haute-cour » serait à resituer en priorité sur la frange occidentale de l’extension du nouveau cimetière, en proximité avec le Bourg-aux-Moines », le relief s’estompant à cet endroit (Cf parcelle 210 du plan de l’ étude géologique de 1955).
Les sondages géologiques effectués en 1980, dans la partie centrale de la « haute-cour » ont révélé à partir de 0.5 à 0.6 m de profondeur, l’existence de fragments schisteux ou gréseux. S’il semble s’agir d’éléments naturels, la sensibilité archéologique supposée de la zone pourrait toutefois laisser à penser à la présence de vestiges de constructions anciennes. A démontrer.
Le périmètre immédiat du château participait pleinement à la logique résidentielle, économique et défensive du complexe ; à ce titre il constitue un secteur à sensibilité archéologique marquée. Les textes attestent bien que tardivement, de l’emplacement de douves (ou de fossés) matérialisées sur le terrain par le fond du vallon du ruisseau. Du coté de l ’Oust comme du côté du cours d’eau secondaire, à diverses reprises des moulins ou autres aménagements (viviers, égouts…) sont mentionnés dès la fin du Moyen Age et durant l’époque moderne. Ces différents éléments sont indissociables de l’histoire du site puisque déjà un étang supérieur et un étang inférieur existaient au 12ème siècle. La présence de moulins et d’étangs (artificiels ou non) dans les douves est et fossés est un trait commun à beaucoup de châteaux au Moyen Age).
L’essentiel des mentions architecturales pour la période médiévale appartient au XVe siècle.
De grands besoins de réparations
Au cours du XVe siècle, les vicomtes obtiennent à plusieurs reprises du duc de Bretagne des lettres de billots autorisant le prélèvement de nouvelles taxes pour la réparation et l’armement de leurs places fortes.
Le 18 mai 1420, il est urgent de venir en aide aux villes, forteresses et châteaux de Rohan, Josselin, Blain, La Roche-Morice, « de present moult besoigneux… et de très grande nécessité d’habillemens de défense ».
Le 7 juin 1455, de nouveau le duc autorise la levée d’un billot, durant quatre années, sur toutes les terres du vicomte, afin de réparer et garnir d’artillerie les « villes, chasteaux » de Josselin et la Chèze. « L’habillement » de ces deux places engloutit la presque totalité des ressources aussi, quand le duc autorise une nouvelle concession d’impôts en 1462 pour trois années, il prend le soin d’inscrire cette clause : « l’argent qui sera levé en la châtellenie de La Chèze et aussi en la vicomté de Rohan, sera mis et employé en la réparation du château de Rohan, et non ailleurs, parce que par avant ces heures l’argent qui pour semblable cause a été levé dans la vicomté, a été mis à la réparation du château de la Chèze » !
Même stipulation six ans plus tard (1468) et encore postérieurement (1477).
Billot : taxe sur les boissons mises en vente au détail. Le mot billot vient des billettes placées à la façade des auberges, à titre d’enseigne.
Un aperçu descriptif de la forteresse
en 1461, 1477 et 1479
Les aveux de 1461 et 1471 donnent un aperçu descriptif de la forteresse avec la mention de « grosses tours », de ses barbacanes, basses-cours, le tout cerné de murs et dedouves, avec « belouvards et autres embataillements ».
Les murailles de la ville, qui « soulait estre close de murailles et cernées de douves », sont comme le château apparemment dégradées.
Cela n’empêche pas le Vicomte Jean II de Rohan, d’évoquer dans un mémoire dressé en 1479 : « la ville et chasteau de Rohan place forte et advantageuse bien emparée de tours, maisons clostures et fossez pour la defense d’icelui et des biens des subjets du païs, lorsque nécessité adviendroit, où il y a guet et garde, capitaines et connestable, et vaut celle capitainerie de revenu plus de quatre cens livres par chacun an ».
Dernière campagne de travaux
dans les premières années du 16ème siècle
Lors de la guerre d’indépendance (1487-1491) de Bretagne, au cours de laquelle Jean II de Rohan prend activement parti en faveur de la France dans l’espoir de concrétiser ses prétentions d’accession à la couronne ducale, Rohan est investie deux fois en 1488 et 1490.
En 1495, les forteresses de la vicomté sont signalées pour la plupart « gastés, desmolis et desgarnis par le fait et disposition des guerres qui derrenement ont en cours audit pays ».
Le roi Charles VIII se montre généreux pour son fidèle allié, par ailleurs un droit de billot est levé pendant cinq ans.
Au début du 16ème siècle de 1500 à 1502, le château de Rohan fait l’objet de nombreux et d’importants travaux. Il est question d’un corps de logis, de la réfection d’un pignon qui nécessita à lui seul huit cents charretées de pierre, de l’érection d’une tour neuve, et « d’une grosse tour devers Saint-Martin », une muraille sur le petit étang, grand nombre de cheminées, de lucarnes, de fenêtres.
Bruits et fureur à Rohan !
Le temps ébranle la forteresse mais également les coups des assaillants !
La guerre de succession de Bretagne (1341-1364).
La guerre d’indépendance de Bretagne (1487-1491)
Les guerres de la Ligue de Bretagne (1589-1598).
Des barricades à Rohan !
Brumaire, an IV de la République (1795)
En cours de création
Un long processus d’abandon progressif s’amorce à partir du XVIe siècle
et pendant toute la période moderne.
Les prémisses de cet abandon sont déjà perceptibles dès le 15ème siècle. Les vicomtes de Rohan préfèrent les sites de La Chèze, Josselin et Blain.
L’abandon s’accentuera plus encore à partir du 16ème siècle en dépit de la restauration entreprise dans les premières années de ce siècle (1500 à 1502).
En 1552, les châteaux de Pontivy et de Rohan « sont grandement indigens de réparations et spécialement de couvertures ».
Pendant les guerres de religion, Rohan qui avait soutenu plusieurs assauts contre les ligueurs est pris en 1594. « Des canons installés proche la butte du Salut démantelèrent la forteresse » Abbé Martin.
Les possessions du duc Henri II de Rohan, défenseur du parti calviniste, sont confisquées par Louis XIII en 1628. Le commissaire royal porte dans son procès verbal de visite en novembre 1628 : « Nous n’avons trouvé à Rohan, aulcun chasteau, ni maison seigneuriale, mais seulement de vieilles ruines et mazures ».
En 1638, Marguerite de Rohan dans sa déclaration faite au roi, expose que « le château et forteresses de Rohan et ses appartenances et appandances garny autrefois de grosses tours, machecoulys, porte à pont levis, basses cours cernées de murs et douves, avec boullavartz et autre embataillements à présents toutte ruiné fors quelques vestiges des ditz batiment ».
Cet état, qui est toutefois à considérer avec une précaution relative, est confirmé en 1649, par Turquest, correspondant des historiens de Bretagne, qui note lors de son passage sur le site qu’il y a seulement « apparence » de bâtiments.
Dans ce contexte l’aveu rendu au roi en 1682, par Marguerite duchesse de Rohan semble quelque peu flatteur. Celui-ci fournit cependant des détails assez précis sur la forteresse en question :
« Dans laquelle ville de Rohan est un château consistant en un grand corps de logis fortifié de grosses tours, terrasses, forteresses, deffenses, machicoulis, portes, canonnières, rampars, pont levis et dormans, basse cours cernées de murailles, douves et fossés avec éperons, flancs et boulevars, abords, issues et jardins.
Auquel château la dite dame duchesse de Rohan a droit de mettre capitaine, lieutenant, portier et autres officiers exemtés de tous devoirs et impositions, avec les droits prérogatives et libertés de guet et d’arrière guet, garde de portes et réparations de douves tant par cens qu’autrement, lequel droit se lève annuellement et de tous tems à raison de cinq sous monnoie tant sur chacun des hommes proches que sur les hommes de ses vassaux ».
Malgré la décrépitude évoquée durant la première moitié du 17ème siècle, la physionomie d’ensemble du monument devait peut-être encore être celle d’une fortification assez importante même si la description de l’aveu renvoie certainement à l’image d’une réalité plus ou moins embellie en raison du statut ducal attachée à la châtellenie.
Quoiqu’il en soit, le discours officiel atteste bien de la puissance passée du site qui jusque dans le courant du 15ème siècle constitue assurément une forteresse. L’évocation de « canonnières, boulevars, machecoulis… » signale l’importance de l’activité militaire de la place et son rôle de garnison jusque vers la fin du Moyen Age. De tels dispositifs supposent enfin différentes adaptations architecturales avec sans doute des campagnes de fortifications imputables au plus tard aux 14ème-15ème siècles et tout début du 16ème siècle.
Dans le courant du 18ème siècle, Dom Lobineau « ne distingue plus dans les tristes ruines du château que les restes d’une belle chapelle que la fureur des guerres avait respectée ».
L’abbé Martin, dans son histoire de Rohan parue en 1926, note malicieusement : Avec ou non l’autorisation des propriétaires, les rohannais aidèrent le temps dans son œuvre de ruines. Granit et moellons du château ils les employèrent pour l’agrandissement de la chapelle Saint-Gobrien (en 1693, près du pont d’Oust), à la construction des piliers des halles, aux escaliers, aux seuils, parfois aux fenêtres des maisons de la ville… »
En octobre-novembre 1795 (brumaire, An IV de la République) des pierres du château servent à l’édification d’ouvrages défensifs contre les chouans.
Les ruines du château font fonction de carrière. Le duc Anne-Louis-Fernand de Rohan-Chabot accorde en 1844 aux religieux de Tymadeuc, le droit de prendre des matériaux de construction de leur abbaye.
La municipalité de Rohan devient propriétaire en 1850 d’une partie des terrains de l’emprise castrale, dont la basse-cour, soit actuellement l’esplanade du château. Celle-ci sera transformée en champ de foire après avoir fait office de dépôt général de la ville.
Pour la petite histoire : le projet coup de cœur du duc Charles Louis Alain de Rohan !
En 1897, le duc Charles Louis Alain de Rohan Chabot propose d’acquérir l’esplanade du château en vue d’y rebâtir un château en mémoire de ces ancêtres ! Cette proposition est rejetée par le conseil municipal en sa séance du 13 mars 1897, par 9 voix contre 3. Il réitère sa proposition en 1901.A nouveau le projet échoue, mais cette fois-ci du fait de la prétention du conseil municipal à conserver une voie d’accès au quai Notre Dame situé en contrebas.
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